Make you jump out of your skin

Cette soudaine proximité avait eu le mérite de confirmer quelque chose : il ressentait des émotions à être là, à deux doigts à peine de l'embrasser à nouveau. Tybalt ne savait pas quoi faire de ces émotions, de ces sentiments qu'il ressentait pour elle, qu'il voyait se créer dans son esprit et le pousser, toujours un peu plus, vers elle. Il avait déjà ressenti cela, des émotions aussi soudaines, pour des gens, bien entendu. Ce n'était pas comme si il n'avait jamais rien éprouvé pour personne. Mais ça semblait nouveau cette fois, comme si il y avait autre chose derrière ce qu'il ressentait là...

Fort heureusement, il n'eut pas besoin de continuer à penser à cela, à ce qu'il ressentait, parce que déjà Maxine fuyait la cuisine, un moyen pour lui de fuir aussi ses sentiments du même coup. Tybalt la conduisit à travers plusieurs pièces, faisant parfois marche-arrière pour échapper à des voix qu'ils entendaient, comme un jeu de cache-cache au sein même de la maison, un jeu de cache-cache pour adultes qui voulaient redevenir des enfants et échapper à leurs corvées et devoir d'adultes pour l'instant.

Ils finirent cependant par atteindre, après moultes changements de pièces et retours en arrière, le petit salon à côté de la chambre de sa mère. Une bonne partie des costumes de la famille avait été stockée ici, avec d'autres accessoires, c'était là que se trouvait sa canne également, pour son propre costume. “ Le maquillage doit être là, ” signala-t-il en montrant la porte de la salle d'eau, juste de l'autre côté du salon. Il s'y rendit en quelques pas et commença à regarder un peu partout, à la recherche des produits qu'il voulait pour faire les peintures sur le visage doux de Maxine. “ Ah voilà ! ” s'exaclama-t-il soudain en attrapant une trousse ouverte avec le fond blanc et les couleurs flashy et phosphorescentes qui rendraient si bien.

“ Viens t'asseoir, je vais te maquiller, ça va le faire nickel, ” lui dit-il, montrant un canapé du salon sur lequel ils pouvaient s'installer. Il alla s'y installer et l'attendit, conscient que cette nouvelle proximité n'allait pas être des plus simples à gérer dans l'immédiat. Le Lioncourt était un adulte, aux dernières nouvelles, il pouvait parfaitement se contrôler et ne pas sauter sur Max comme ça, pas vrai ? Il l'espérait en tout cas, alors qu'elle s'asseyait et qu'il commençait à dessiner les motifs qu'il connaissait bien et qu'il imaginait sur elle. Il y mettait beaucoup d'attention et de soin, pour que ce soit parfait, comme il l'imaginait, comme ça devait être. “ Si je ne me suis pas trompé, les couleurs devraient être phosphorescentes et se voir ce soir, ” dit-il enfin, après avoir reposé le maquillage à côté de lui. “ Vas voir, dis moi ce que t'en penses, ” demanda-t-il gentiment en indiquant de la tête un miroir.

Tybalt était plutôt fier de lui quant au maquillage qu'il venait de réaliser sur Maxine, cela rendait parfaitement, même si la couche qu'elle portait ne devait pas être des plus agréables. Enfin son propre maquillage n'était pas beaucoup mieux. Et elle, au moins, ce n'était que le visage, pas le cou et les mains en prime. “ Oh alors comme ça, interdiction de toucher Maman Brigitte de la nuit ? ” s'étonna-t-il faussement, avec le petit air outré. “ Bon...Nous sommes habillés, maquillés et prêts à passer la nuit à faire peur à la Nouvelle-Orléans. Toutes les décorations du tour sont installées, je crois qu'on a plus rien à faire... ” Il réfléchissait tout haut, allant ramasser la canne au pommeau en forme de crâne qui trainait sur un canapé.

Ne sachant pas ce qu'il pouvait avoir oublié, le Lioncourt jouait avec la canne, il la faisait tourner agilement entre ses doigts. Il ne savait pas ce qu'il avait pu oublier et ça l'inquiétait, l'angoissait presque en réalité. Il ne voulait pas se planter, pas alors que cette soirée devait aider à passer outre les évènements du Black Out, pas alors qu'on lui faisait confiance et pas alors que Maxine était là pour voir ça. Etait-ce réellement si important...? Pourquoi cette réflexion était donc venue après les autres dans son esprit...L'avis de Maxine n'était pas si important que ça...

La voix de Maxine l'interrompit dans ses réflexions, totalement inutiles vu qu'il ne parvenait de toute façon pas à savoir ce qu'il pouvait avoir oublié. Rien, sans aucun doute, ce n'était que le trac qui le prenait, comme rarement il l'avait pris lorsqu'il devait faire un show. Il s'arrêta de déambuler dans la pièce et regarda vers la jeune femme d'un air surpris, comme si il sortait presque d'un rêve éveillé. “ Je...Je me demandais si je n'avais rien oublié en fait. Mais, tu dois avoir raison, c'est le stress, ” admit-il en soupirant un peu. D'habitude, il était tout seul pour stresser, il n'avait pas un public pour cela aussi, et ça le stressait peut-être encore plus.

S'appuyant sur la canne négligemment, le Lioncourt soupira à nouveau et regarda un instant dans le vide. Il n'avait rien oublié, tout était prêt, il n'y avait rien craindre, il allait gérer comme à chaque fois, pas la peine de se mettre dans tous ses états parce qu'on était à Halloween ou que Maxine était là. Tout allait se passer comme d'habitude et il n'y aurait aucun problème. Il le savait, alors pas la peine de stresser. Il souffla, essayant de se calmer et de retrouver sa contenance face à la réplique de Maman Brigitte. “ Ça va aller, ne t'inquiète pas, je dois avoir une double personnalité, on me reconnaitra plus quand la soirée commencera, ” assura-t-il d'une voix douce.

Le petit ton et le sourire malicieux de Maxine le firent presque rire tant sa question semblait sortir de nul part. D'ailleurs, il se rendit compte qu'il lui avait dit son don mais qu'elle, elle ne l'avait pas fait. Il était vrai que son pouvoir était du genre utile quand on dirigeait un tour touristique qui avait pour but de foutre la trouille aux participants. Et pourtant...“ Pour tout te dire...Non je ne l'utilise pas. Enfin...Les fois où c'est arrivé, je n'ai pas fait exprès, en fait. Je ne le contrôle pas très bien tu vois... ” Il avait le mérite d'être franc, à défaut d'avoir l'air cool, ne pas se maitriser quand on pouvait provoquer des hallucinations...Non, c'est clair que ça n'incitait pas vraiment à la confiance.

“ Et toi alors ? ” demanda-t-il en braquant sur elle un regard inquisiteur et un petit sourire curieux. “ Je ne crois pas t'avoir jamais demandé ce que c'était, ton pouvoir, ni que tu en ais jamais parlé d'ailleurs. Qu'est-ce que tu sais faire ? ”

La curiosité était un vilain défaut, il le savait parfaitement mais comme Maxine avait lancé les hostilités en se montrant elle-même curieuse, il n'allait pas se priver de poser des questions. Et les pouvoirs, c'étaient devenus quelque chose de "normal" en fait, quelque chose qu'il fallait accepter. En parler n'était pas si bizarre que ça, bientôt les gens se mettraient même à faire des compétitions ou des démonstrations, il en était certain. Quoi que dire qu'il ne se maitrisait pas du tout, c'était peut-être quelque chose de trop personnel que peu de gens admettraient comme ça pouf. “ Nan pas du tout du tout. C'est l'enfer des fois. Je suppose que ça va venir, c'est un peu comme apprendre à faire du vélo non ? ” blagua-t-il à moitié. Ce n'était sans doute pas comme apprendre à faire du vélo.

La révélation sur elle était très loin d'être aussi inintéressante qu'elle le laissait entendre. Au contraire même. Tybalt ouvrit de grands yeux, comme un gosse à qui on racontait quelque chose de fou. Il n'avait jamais croisé de pouvoir comme ça, n'en avait même jamais entendu parler, ça ressemblait plus à une histoire qu'à la vérité mais après tout, pourquoi pas ? Sa mère et son frère faisaient des trucs dingues aussi, alors pourquoi pas maitriser le temps hein ? Enfin si elle se contrôlait aussi bien que lui-même, ce ne devait pas être la joie tous les jours. “ C'est quand même cool, même sans le maitriser. Et moins dangereux que moi. ”

Alors qu'il allait rouvrir la bouche, la porte s'ouvrit soudainement et un Elias à l'air contrarié fit son apparition. “ Les tourtereaux, y'a des choses à faire là. Alors venez nous aider et dépêchez vous un peu, vous allez aider les cousins à placer les citrouilles, ” leur ordonna-t-il un peu, les foudroyant du regard l'un après l'autre. Tybalt grimaça un peu, il n'avait pas besoin de son grand frère pour venir l'embêter et lui dire d'aller bosser. Elias sorti, le benjamin se tourna vers Maxine. “ Bon bah je crois qu'on doit y retourner hein, on a pas été aussi discret que je le pensais faut croire ! ”