Try to fill a hole | Maxine

Comme j'adore manger, et que tu commences à bien me connaître, il n'y a aucun doute sur le fait que je vais adorer cette visite, rassura-t-elle.

Elle esquissa un sourire, gardant la main de Tybalt dans la sienne pour pouvoir le suivre. Ses yeux s'aventuraient partout autour d'elle, pour inlassablement revenir vers lui et le scruter lorsqu'il ne la regardait pas. Maxine remarqua que derrière ses silences, elle aurait pu passer des heures plonger dans ses pupilles sombres pour comprendre son charme atypique. Tybalt n'était forcément très gracieux - il donnait souvent l'impression d'avoir un corps trop grand pour lui, ou de se cacher derrière ses longs cheveux sombres - mais il dégageait un charisme qui la prenait au coeur. Quelque chose qu'elle ne comprenait pas mais qui la faisait vibrer intimement.

Laisser ta moto ne te fait pas peur ? Demanda-t-elle finalement.

Approchant du tramway, ils l'attendirent tout deux. Son sourire s'étendit quand le wagon arriva à leur niveau, et qu'ils eurent le droit d'y embarquer. Le véhicule était usé, vieilli, donnait l'impression de dater de l'époque où il avait été construit, et même avant. Tout ça, c'était des détails qu'elle ne saisissait pas forcément, mais qui donnait une ambiance générale. L'odeur du vernis, du cuir usé, de chaud même dans l'antre du tramway alors que les fenêtres poussiéreuses étaient baissées, elle secoua la tête : non, elle ne l'avait jamais pris.

Pour cette raison, elle suivit l'homme jusqu'à l'arrière du véhicule pour se placer près des gardes corps qui maintenaient un semblant de sécurité. Le train se mit en marche dans un a-coup bruyant, et la brune s'accrocha au bras de Tybalt, surprise par le mouvement. Son équilibre était précaire, mais la situation l'enchantait. Et sûrement que, pour une fois, ça se voyait : Maxine se sentait bien. L'impression de ne pas vraiment être elle, de ne pas subir sa souffrance, de ne pas devoir mentir. Et pourtant, elle cachait tellement de secrets, tellement de peur, de doutes, de dédain.

Ses yeux sombres se relevèrent sur l'homme à qui elle se tenait toujours. Elle le lâcha poliment, se posant près des barrières. Sans trop savoir comment, les bras de Tybalt la cernèrent, comme pour l'empêcher de basculer, et un sentiment de sécurité l'envahit. Le dos contre son torse, elle admira la route qu'ils prirent dans un silence amusé. Encore un peu, elle en abandonnerait tout pour des instants comme celui-ci. Sa carrière, son sens aigu de la justice, ses mensonges. Même son nom.

Je crois que c'est le moment parfait pour un autre baiser, souffla-t-elle à Tybalt avec un air mutin, sans pour autant le regarder. Son sourire s'étendit malgré elle : elle se sentait légère.

ça n’était effectivement pas ce qu’elle attendait. Lorsqu’il posa ses lèvres sur sa joue, Maxine eut un rire amusé. Cette chasteté n’était pas pour lui déplaire, mais ne rentrait pas dans la catégorie des choses qu’elle désirait de sa part. Redressant le regard vers lui lorsqu’il la fit tourner, elle eut un grand sourire en le regardant, avec le genre d’œillade qu’elle se surprenait à croiser dans le miroir lorsque son cœur battait fort. La question de son supérieur lui revint en mémoire : est-ce qu’elle l’aimait bien, ce garçon ?

Il posa sa bouche sur la sienne, et la réponse fut comme évidente sur l’instant. Elle l’aimait bien. Elle avait même envie de le sauver de tout ce qui pourrait lui arriver. De ses bêtises d’enfant capricieux, des griffes de sa mère folle, ou de la douleur d’une amitié décevante. Elle s’en sentait la force, alors qu’elle s’agrippait au haut de Tybalt avec vigueur pour se tenir à lui, et lui rendre son baiser avec autant de tendresse et de désir qu’elle en éprouvait sur l’instant.

Lorsqu’il rompit le contact – à son grand regret – Maxine eut l’impression d’y avoir laissé son souffle, de lui avoir donner pour lui permettre de fonctionner à son tour. Une moue sur les lèvres, la question de Tybalt lui arracha un autre rire – qu’elle trouva parfaitement idiot :

Un peu, je dois l’admettre. Il y aurait une caméra, des éclairages, et même une musique romantique que ça ne m’étonnerait pas vraiment. S’en amusa-t-elle à son tour.

Ceci étant, la remarque de Tybalt lui arracha un froncement de sourcil. Persister dans le cliché ? Et dès lors, ses mots la figèrent sur place. Elle ne cacha pas sa surprise sur l’instant : Maxine eut vraiment l’air de le découvrir. Pas qu’elle ne savait pas qu’elle lui plaisait – et la réciproque était probablement bien plus vraie qu’elle ne l’admettrait – mais que devait-elle faire, du coup ?

Vraiment ? Demanda-t-elle d’une voix blanche.

Il lui sembla alors qu’il s’adressa à elle. A sa vraie elle, celle qu’elle était dans le fond, qu’il ne connaissait pas forcément mais qui existait. Ça n’était pas la première fois qu’un garçon lui disait qu’il l’aimait, mais ce fut bien la première où ça l’affola un peu. Elle eut un sourire d’abord gêné, notamment parce qu’elle ne savait plus comment jongler entre son rôle et sa personnalité. Elle, elle aurait fui sans demander son reste. Mais la Max qu’aimait Tybalt ne pouvait pas s’en aller.

Je vais tout faire pour le mériter, promit-elle à mi-voix elle aussi.

Parce qu’elle aurait été incapable de lui rendre la pareille.