Franklin Purgason - Fairy King

Franklin se nourrissait de sang humain avant d’avoir été encouragé puis convaincu par des semblables à passer au sang animal. La différence n’existe pas pour lui, mais en s’éloignant des aides qui lui sont fournies, il tend à nouveau vers un régime d’origine exclusivement humaine.

Aujourd'hui toujours incapable de se nourrir moins d'une fois par jour, il est encore très sensible aux appels parfois irréfrénables de sa soif. Sa vie sociale en pâtit donc lourdement.

Il est au courant des pouvoirs hypnotiques qu’il pourrait utiliser mais il ne s’en est encore jamais servi, par peur d’y prendre goût et de devenir encore quelque chose de pire à ses yeux.    

Après avoir eu trois filles, papa-maman avaient encore fait un effort pour espérer voir leur magnifique nom de famille perdurer encore quelques générations grâce à un beau garçon. Et après efforts et attentes ils n’eurent pas ce qu’on pouvait dire être un nouveau bébé femelle, ouf, mais pas ce qu’on pouvait dire être vraiment un mâle non plus. Bah bravo maman, qu’est ce que t’as foutu dans ton ventre, tu pouvais plus faire de bébé normal ? C’est quoi ce truc entre ses jambes ?
On dit à la dame de ne pas s’inquiéter, que ce bébé n’était “quand même pas un monstre”, que de toute façon les erreurs se réparaient avec la médecine d’aujourd’hui, et qu’il aurait une vie tout à fait normale. La mutilation fut imposée pour choisir de le ranger définitivement dans la case garçon, sans que le premier concerné ne puisse évidemment en dire quoique ce soit. En espérant que personne ne parle plus jamais de cette variation hormonale et physique pourtant naturelle et saine.

A la maison il en fut encore plus traité comme un petit prince fragile et précieux, puisqu’en plus d’être le dernier bébé, on était attentif à la moindre chose qu’il se passait dans sa vie. Il baignait dans l’attention de ses grandes soeurs, à qui il servait de poupon vivant, et de ses parents, qui jamais ne refusèrent toutes les hospitalisations suivantes qui lui furent conseillées, par les médecins accro à leur nouveau cobaye, finissant par causer à l’enfant de sérieux traumatismes.
Taux hormonaux pas assez normaux, fonctionnalités physiques pas assez normales. Petit Franklin assimila très vite que son corps était le centre de sa personne et qu’il n’existait apparemment pas grand chose en dehors de ce à quoi il ressemblait nu. Et que le consentement n’était pas une affaire très centrale. Il vivait personnellement toutes les craintes que ses parents s’imposaient à son sujet, toujours ainsi tiré vers le bas quand, pour sa part, il n’osait plus dire que ça allait plutôt bien.

Il manqua d’autonomie, de sociabilisation, de liberté, encaissant les restrictions qu’il compensa dès qu’il en fut en âge. Après avoir, pendant des années, refusé de voir les tords et défauts de ses parents, se contentant de pleurer pour exprimer peurs et refus, il finit par les détester en leur reprochant d’avoir laissé faire tout ça. Il adopta alors un comportement d’opposition, envers ses deux plus vieilles soeurs également, déjà mariées et financièrement correctement réussies, sans pour autant pouvoir se laver, dans le fond, des pressions imposées par leur milieu et éducation aisés. Alors même s’il abandonna ses études après avoir fini de les rater, il en éprouva des remords foudroyants.


A jamais le cul entre deux chaises, toujours en train d’essayer de se prouver des choses à lui même et de remballer ceux disant qu’il est une tortue sachant lacer ses chaussures,
il quitta la maison familiale dès qu’il en fut capable, allant d’abord crécher chez sa plus jeune soeur, qui se contentait de lever les yeux au ciel à chaque nouvelle connerie qu’il se mit à faire. Il connaissait le coin, puisqu’elle habitait elle aussi en Californie. Comme elle était la seule de la famille, et peut être de la terre entière, en qui il avait confiance, il lui racontait tout, ne serait-ce que pour voir dans ses yeux que son existence avait un impact durable, même négatif, sur quelqu’un.

Traînant dans des clubs sous la protection d’un copain lui rabachant que son museau de chat était potentiellement lucratif, il dormait de moins en moins et la vie continuait de lui bâtir des épaules en béton. Il assuma sa personnalité propre en choisissant de donner son avis sur tout, tout le monde et tout le temps. Il aimait piquer les gens pour se laver de sa honte en la leur refourguant. Vivant une adolescence tardive, il agissait comme un grand gamin, l’âge lui donnant des moyens plus dangereux de s’amuser.

Brièvement militant violent pour ceux partageant sa condition de personne intersexe, il tomba ensuite amoureux de l’univers du spectacle, de la musique, et des corps, gardant avec tous une approche très physique.
Quand il décida de fièrement s’affirmer comme prostitué, il s’installa seul, à l’autre bout du pays, décidant de tirer un trait définitif sur sa famille. Attiré par les environnements artistiques singuliers, et facilement défié par l’inconnu autant que la criminalité, son avis s’arrêta sur la Nouvelle Orléans quand un dé facilita son choix entre les six villes qu’il avait retenues.

Posant ses valises, sa vieille chaîne hi-fi et surtout son pouf en forme de citron qui sourit, il passait ses journées à découvrir la ville et ses nuits à travailler en continuant de se persuader que ça le rendait heureux. A corps exceptionnel, métier exceptionnel. Il était important que des gens lui rappellent constamment qu’il était beau, voire le plus beau. Il savait faire son bout de chemin, même s’il se mettait à souffrir de solitude. Ce qui lui sonnait trop paradoxal pour être pris au sérieux.

Le Black Out lui tomba dessus avant qu’il n’ait vraiment eut le temps de prendre des repères. Il était dans une chambre d’hôtel, encore en train de dormir, et sa soif de sang au réveil, brûlante et incontrôlable, le rendit fou au point de massacrer celui qui était encore inconscient, à côté de lui. La panique fut différente mais persistante quand il put se mettre à réfléchir, mais sans réussir à comprendre ce qu’il se passait. Et la lumière du jour, qui le brûla quand il voulut sortir par le couloir, l’obligea à rester seul dans cette pièce avec le cadavre. L’autre versant de ce que pouvait être un corps, qui l’obséda durant les longues heures jusqu’à ce qu’il puisse le fuir. Une fois dans les rues il ne retrouva pas le chemin jusqu’à chez lui, le chaos environnant le terrifia, alors il se cacha jusqu’à ce que la soif le reprenne.

Il alterna entre ces deux états pendant plusieurs jours, entrant dans une immense détresse psychologique dont il essayait de se défaire en interpellant d’autres personnes, qui n’étaient pas comme lui, qui le regardaient de travers avec un mélange de peur et de haine déjà, jusqu’à ce qu’il tombe sur la bonne personne qui le fit se rapprocher d’une association qui deviendrait plus tard la “We are no monster”. Il se fit aider, entre dialogues et conseils, sans jamais arriver à supporter de se voir uniquement comme victime. Sa facilité d’expression et son passé de militant l’amena à apporter son aide à son tour, sans parvenir à sincèrement embrasser la cause. Il avoua se lasser au bout d'à peine deux semaines.

Avec son regard fataliste, tout ce qu’il a toujours à dire du Black Out est “c’est comme ça”. Il ignore ce qui est arrivé à sa famille et il préfère toujours se dire qu’il s’en fiche. Se considérant personnellement comme un danger autant qu’il clame toujours aux autres, menton relevé, qu’il n’en est pas un, il a retrouvé son appartement où il reprend son métier, mais à travers des écrans, ce qui complique ses revenus. Il se sent à un nouveau point zéro quant à sa quête de lui-même.