Le con, la pute et le puant | Kaoru, Sidney

Le refus que lui imposa Sid lui fit l’effet d’un coup de massue, sûrement parce que c’était une sorte de situation inédite, dont il n’aurait peut être pas pu soupçonner l’existence. Sid était client et lui disait non. Il avait cherché tout ça, et il lui disait non.
Franklin jugeait qu’il s’était mis en oeuvre pour tenter de rattraper la tournure désastreuse que la situation prenait, qu’il avait tenté ce dernier recours. Mais Sid ne devait pas vouloir que ça s’arrange. Et au final, Franklin aurait même préféré que ce “non” se suffise à lui même, et qu’il n’entende pas ce que l’autre ghoul devait depuis longtemps penser si fort.

Même si ses sens restaient tous infiniment excités, son sourire s’effaça et son visage se ferma d’un coup. Parce que maintenant, plus rien ne lui donnait envie de jouer, et la blessure que venait de lui infliger Sid l’avait amené à un point de non retour, aveuglé par la honte. Oui, tout pouvait exister sans une pute. Mais ce mec là, en plus de s’être foutu de sa gueule, essayait maintenant d'empiéter sur ce que Franklin venait d’enfin clairement désigner comme étant son territoire.
Il posa les yeux sur Kaoru. « Ah ouais... »

Maintenant qu’il avait été douloureusement extirpé d’une partie de son égocentrisme, il réussit à percevoir que la première urgence était sûrement juste en face de lui, Kaoru. Celui que les deux paires d’yeux de ghouls fixaient maintenant. C’était une urgence à bien des niveaux, et il le regarda de bas en haut quand il répondit. Cette réponse, ce que le concerné en pensait, il l’avait attendue avec avidité, quand bien même elle ne se fit entendre que peu de temps après celle de Sid.
Ces deux cons étaient doués, parce que le petit n’était toujours sûr de rien au niveau de leur relation. Et quand bien même Kaoru était un menteur, c’est de Franklin qu’il s’approcha. Et ça, ça renforça son attache, surtout maintenant qu’il se fermait totalement à Sid.
Il essaya de croiser le regard du beast, mais il se mit par terre. Il n’était pas bien du tout. En train de rire comme un con, comme à chaque fois que des ampoules commençaient à griller dans ce qui lui servait de tête. Mais Franklin ne savait plus vraiment qui était censé aller bien ici. Il fit un petit pas en avant pour cacher son ami derrière lui. « Grosse merde. »

Mais il ne défendait pas Kaoru, il se défendait lui, d’abord. Il se remit à fixer Sid, le coeur battant toujours aussi fort. Il était bien trop fier pour se laisser repousser juste comme ça, et tant pis si le beast par terre entendait tout. Il devait au moins essayer de rendre tous les coups qu’on lui portait. Sid ne voulait plus de lui ? Franklin avait besoin de ressentir l’exact inverse. « T’iras bien te faire foutre ailleurs. M’appelle plus jamais. » Il commença à s’imaginer tous les petits coups de crasses qu’il pourrait lui faire dans le dos. C’était sa manière à lui d’être très, très énervé. « C’est toi qui avait besoin de moi, mon gros cochon, pas l’inverse. Ton argent à la con tu te le carres au cul.  » Ça par contre, il dû le pousser un peu plus pour que ça sorte, mais c’était sorti et il l’assumerait. « Bois ton jus de tapette, Sidney. »

Et avec toute la tension accumulée, pour des raisons certes diverses, mais qui n’avait toujours pas été soulagée, il avait envie de le voir mort. Mais il n’avait jamais eu l’habitude d’être violent physiquement, alors il n’en avait pas le réflexe, ce qui lui permettait de rester en place, vers Kaoru qu’il entendait respirer trop fort. Il imagina comme son coeur devait s’affoler et son sang courir dans tout son corps. Il était même sûr qu’on pouvait voir une grosse veine pulser le long de son cou. Il déglutit. Il y avait en fait de longues minutes qu’il s’était mis à n’agir que par instincts. « "Nianiania, moi-je, moi-je". Pleure si t’en a envie hein, ça me ferait plaisir. » Franklin savait bien qu’il prenait des risques, mais il était comme un gamin harceleur au collège, alors il piquait, avec du culot et de la méchanceté gratuite.
Il ne connaissait pas encore parfaitement les limites émotionnelles de Kaoru, qui entendait tout ça, et encore moins celles de Sidney, mais il s’arrêta là. Il restait juste en alerte totale, et comme il ne rigolait plus, ni ne donnait son énergie à autre chose, il dégageait lui aussi une sensation de menace, évidemment très propre à sa nature.
Peut être que ça effrayerait Kaoru, ou peut être que ça le rassurerait. Mais là dedans, il y avait de la provocation. Si Sid voulait le frapper, qu’il le fasse, et il se ferait un plaisir de le mordre. Mais qu’il garde ses dents, et tout le reste, loin du japonais. Par contre, si ce dernier lui tournait le dos, lui aussi se mettrait sans aucun doute à pleurer. L'habitacle montait naturellement en température et il allait juste falloir qu’ils explosent tous d’une manière ou d’une autre. La lumière grésilla encore une fois et il souhaita presque qu’elle pète, juste pour faire chier le grand bébé de quarante balais.

Cet ascenseur s’amusait définitivement à leur faire traverser toutes les émotions les plus fortes qui soient. C’était dur, c’était long, malgré les minutes qui ne cessaient pas de passer et les rapprochaient normalement d’un regain de souffle. Mais définitivement, non, il n’en sortirait pas indemne, peu importait le type de blessure. Et il n’était pas le seul.
Franklin avait regardé Sidney se décomposer, et il était resté de marbre. Parce que rien ne serait sûrement plus adapté qu’une gueule totalement neutre, c’était ce qui pouvait être le plus perturbant et le plus douloureux encore pour son ex-client. Il le regardait, et il se disait que l’affaire était réglée. Pour ce qui était de son honneur. Pour le reste, toutes les plaies étaient encore ouvertes.

Et Kaoru enchaîna. Il avait failli lui demander deux secondes de répit, mais ça ne semblait plus vraiment possible. Même s’il avait eu l’idée d’aller le tenir, pour lui apporter de l’aide, un soutien, n’importe quoi pouvant l’aider à réfréner ça, il avait vite été retenu par l’horreur que le beast lui-même semblait contenir, quand enfin il baissa les yeux sur lui.
Alors au fil des cris, il avait finit par redevenir blême. Il se pressa inconsciemment un petit peu contre le mur, dans l’un des derniers coins disponibles de l'ascenseur. C’était bien la première fois qu’il assistait à un tel spectacle, et il aurait peut être pu n’y trouver que de la fascination, s’il n’avait pas été coincé si près de lui. C’était ignoble, aux yeux autant qu’aux oreilles, c’était sale, et tout l’affect qu’il ressentait pour son ami ne faisait qu’empirer combien c’était insupportable. Même s’il se sentait aussi, quelque part, entier de pouvoir poser le regard sur ce que Kaoru pouvait être. Tout ça lui prenait le ventre, alors qu’il finissait par souhaiter être en train de cauchemarder depuis le début. Mais Franklin se taisait un peu, pour cette fois. Il commençait à avoir une sale tête, il fatiguait beaucoup.

Quand l’ampoule péta, l’obscurité soudaine finit de lui couper le souffle, et il entendit d’autant plus son coeur battre la chamade. Et le rire de la hyène. Ah bah oui ma conne, qu’est ce qu’on se marre ! « Haha… Ha ! Haha ! Wouhou ! »
Ses sens étaient toujours en alerte, pour l’attaque peut être, mais non, il ne s’en prendrait pas à l’animal. Parce qu’il ne pouvait qu’y perdre bien plus qu’y gagner. Et ça n’était même pas une hypothèse, c’était sûr, c’était lui le steak. Et il ne prendrait pas le risque de bouger tout court non plus. Pour faire quoi ? Refaire ses lacets ? Zouker contre le mur ? S’allier avec Sid ? Quelle idée. Qu’est ce qu’il pouvait faire d’autre pour enfin sauver son putain de cul ?

« Hé la boule galeuse... » Il parlait tout, tout doucement. « C’était dégueu… Haha… Tu fais pas de conneries hein ? » Il n’en savait rien, il ne s’était jamais intéressé aux beasts, puisque ça ne le concernait pas directement dans ses problèmes. Et quand ses sens commencèrent à lui faire se dire qu’il allait crever, l’esprit comprimé dans le noir total et sonné par les respirations insupportables qu’il entendait, il lui échappa à l’intention de Sid « Il nous entend ou pas ?... » Pourquoi il avait fallu qu’il se lie avec des mecs comme ça ? Oui, c’était Kaoru, ce gros truc, mais est-ce qu’il devait encore le protéger, même en le craignant à ce point ? Et son cou donnait un peu moins envie à mordre. Même ses sens étaient perdus.
Et finalement, dans la panique grimpante, il tendit stupidement la main, la glissant à taton contre le mur jusqu’aux boutons, et quand il reconnut celui avec la petite cloche en relief, il appuya dessus, mais rien ne se passa. Puisqu’il n’y avait plus de courant. « Oupsi. » Il ramena vite sa main contre lui, comme par peur de se faire mordre, et le geste brusque le fit effleurer, de l’autre côté, la fourrure de l’animal. « Oh !... Putain. » Il lui avait touché quoi, le dos ? La queue ? Pitié pas la tête qui fait peur. Il se contenta de croiser les bras très, très fort, se mordre la langue, et de, pour sa part, commencer à songer à l’idée de prier.  

Le rire de la hyène l'avait encore fait sourire, par un mélange d'émotions encore incertaines et surtout, anxieuses. Franklin avait été attentif au moindre des sons qu'il entendait, car là était le sens le plus efficace dont il disposait maintenant. Il n'y avait plus de place pour les artifices. Et finalement Kaoru semblait rester calme, au final. Pour l'instant. Heureusement.
Mais ce qui lui restait le plus en tête, encore, ça avait été ces choses bien plus intelligibles encore, capables de faire encore se tordre son esprit dans tous les sens : Sid lui avait répondu agressivement, il en avait le droit, et ça l'avait pincé, mais surtout, il s'était adressé à la hyène d'une manière particulière qui ne lui échappa pas, et qu'il n'oublia pas dans le silence qui suivit. ''Kao, c'est moi, je te connais, nianiania...''
Il avait sentit que Sid s'était déplacé dans l'habitacle, il n'était pas sûr du point auquel il l'avait fait, et il ne savait pas qu'il touchait le beast. Mais dans ses mots, il se l'appropriait déjà bien assez, d'une manière, d'un ton qui laissait tout à fait voir qu'en fait, il se l'était déjà approprié, beaucoup, avant, et peut être longtemps.

Franklin laissa quelques temps s'écouler, ses yeux fixaient le noir, sa bouche était entrouverte pour laisser passer sa respiration trop forte, dont il tentait de contenir le volume sonore, et ses doigts étaient restés crispés sur sa veste pour ne plus bouger. Il était toujours énervé, toujours la tension de ses sentiments et de ses pulsions.
Même si l'ambiance était lourde, étouffante, insupportable et que l'incertitude de la suite nourrissait encore et encore les angoisses, le silence et le calme de la bête faisaient presque s'apaiser quelque chose.
Mais à force de tourner dans sa tête, sa voix finit par à nouveau percer l'air, doucement, plus vraiment pinçante, mais évidemment toujours affectée par un tas d'émotions qu'il ne pouvait dissimuler derrière plus aucune façade visuelle. « Tu le connais d'où ? » Et Sid avait intérêt de lui répondre. Il avait sentit toute l'émotion qu'il avait mis dans les mots pour Kaoru, la même qui avait été dans ses yeux quand ils étaient au bar. « De quand ? » Et l'autre nounours semblait avoir le cœur déchiré par tout ça, il avait été si facile à effondrer un peu plus tôt, que quelques unes de ses fondations mêmes devaient reposer sur quelque chose qui était enfermé avec eux. « De comment ? »

Il se préparait à être blessé. Evidemment, il lui revint en tête ces histoires d'un amour perdu qu'il lui avait raconté quelques fois, et il se sentit bête, de n'y penser que maintenant. Mais il n'aurait toujours pas de peine pour Sid. Parce qu'il était trop en mesure de lui en faire en retour. Et qui avait déjà eut beaucoup de peine pour Franklin ? Si l'enfance se construisait sur du mimétisme, elle avait là encore bien fait son travail. Parce qu'il n'était pas prêt à donner à n'importe qui, ce que n'importe qui ne lui avait jamais offert.
Il entendait la hyène avec eux, et même si il aurait eut besoin que Kaoru réponde aussi, pour justifier ces mensonges et surtout, dissimulations qu'il menait depuis qu'ils se connaissaient, il ne put que tourner la tête en direction de son souffle et tenter d'apercevoir l'ombre de son corps changé.

Définitivement, pour lui qui s'était attendu à avoir le cul entre deux bites, il se retrouvait enfermé comme un con avec deux personnalités qu'il jugea un instant assimilationnistes, gommées de toutes leurs aspérités, fades et inintéressantes. Des gens capables de lui faire cette entourloupe ? Sérieusement ? Franklin avait attentivement écouté les réponses de Sidney, qui sortaient doucement, goutte par goutte, et il lui était si insupportable de l'entendre, qu'il fut un instant persuadé qu'il faisait exprès de parler comme ça. Son regard s'était à nouveau durci, dans le noir, et il était resté silencieux. Il sentit la hyène passer près de lui mais ne bougea pas. Il l'entendit se plaindre aussi, et il en fut peiné. Mais il ne pouvait rien faire de plus. Surtout parce qu'il n'avait pas l'habitude d'être touché aussi profondément. Même s'il était habitué à ce qu'on lui mente.

Les excuses de Sid, il n'en voulait pas, ça ne l'intéressait pas, autant qu'il ne pouvait toujours pas admettre qu'il avait été secoué par tout ça. Mais son corps ne suivait pas tout à fait ses désirs, et intérieurement, il se retrouvait à ce moment là de la pièce, ou les tambours grondaient, les cordes grinçaient et les cors ouvraient l'entrée du deus ex machina.
La vérité avait quelque chose, dans la manière dont elle éclatait, de magistral, attendue mais surprenante, qu'il trouva presque amusante, tant c'était grossier.

Franklin était incapable de comprendre les relations amoureuses comme celle-là, parce qu'il lui semblait ne jamais en avoir connue. Et c'était encore plus effrayant d'imaginer ces gens retourner dans ce lieu étrange et flou dont il ne savait que le mal qu'il pourrait en ressentir lui, à côté. Là, il venait juste, quelques jours plus tôt, d'accepter de s'être trouvé quelqu'un à qui être fidèle. Il avait souffert pour se mettre ainsi en œuvre et maintenant il ne savait même plus s'il était dans le droit et la mesure de croire les prochaines histoires que Kaoru lui sortirait. Mais il allait s'y accrocher, à lui, parce que surtout, il avait fini par accumuler une sacré masse de dépendance sur la pauvre personne du ''vieux japonais''.

Il lui ferait une scène, plus tard, car pour l'heure, il se demanda où était passée la hyène, qu'il n'entendait plus gratter, et surtout, il lui manquait des cartes. Si le beast redevenait humain, inconscient et vulnérable, au milieu des deux ghouls... Il lui serait difficile de le laisser aux mains de Sidney. Ah, maintenant qu'il avait passé un pied dans la porte de leur ex-relation, Franklin allait s'y engouffrer de tout son petit corps et son égo bien gras.

Pour sa part, il était traîné dans des émotions nouvelles qu'il ne connaissait pas, mais le premier mot qui lui semblait le plus approprié était ''colère''. Il ne savait pas vraiment pourquoi. Et le grotesque lui sautait maintenant tellement aux yeux, qu'il finit par passer une main sur son visage. Il prit une plus grande inspiration en comprenant aussi qu'il était maintenant l'unique à se tenir seul dans cette boîte. Les deux comparses pouvaient se faire des papouilles sans lui. « Je m'en fiche. » Le mélodrame s'intensifiait dans son esprit et il devenait à fleur de peau. Alors il échappa un petit rire plein d'émotions retenues, sauf la moquerie, qui fila entre ses dents qui mordaient sa lèvre inférieure, gardant tapie une envie de sang qui lui montait à la gorge.

Pourvu que Kaoru reste hyène et retourne dans quelques buissons pour la soirée. Parce qu'il n'avait pas envie que ça devienne encore pire. Qu'il doive le gérer à poil face à son ex-copain. Ou refaire le choix de l'abandonner pour son salut. « Grand bien vous fasse messieurs. » Il avait besoin de respirer, et quand le haut parleur grésilla enfin, brièvement, il tendit le bras et retrouva le bouton d'appel, qu'il se mit à enfoncer frénétiquement, encore, et encore, et c'était inutile.
Un bruit électrique leur indiqua que le courant tentait de revenir dans l'habitacle. Le néon retrouva un très léger pouvoir lumineux, loin d'être allumé mais pas tout à fait éteint, et Franklin continua de fixer la forme devant lui que les deux corps formaient, qu'il avait en fait parfaitement situé un peu plus tôt.

Les mots gorgés de bienveillance que Sid avait sortis, tenant Kaoru contre lui, lui avaient malheureusement paru si insupportables qu’il faillit s’étouffer. Il déglutit difficilement pour faire redescendre ce nouvel accès d’émotions qu’il lui collait dans la figure. Non, le courant ne passait plus du tout entre eux, ou du moins, il était beaucoup trop piquant, devenu instinctivement repoussant. Son regard se braqua sur la hyène comme la situation sembla lui déplaire à nouveau, puisqu’elle bougea, et même si au début Franklin ressenti une once de bonheur en voyant qu’elle se détachait de Sid, il eut ensuite encore peur qu’elle ne s’en prenne à lui, mais non. Elle eut rapidement l’air de souffrir. Et elle souffrit.

Son souffle se stoppa et son coeur se serra encore, il finit par détourner le regard, encore, et il se dit, encore, que c’en était trop. Même avec tout le talent et toute la bonne volonté du monde, il ne pouvait plus faire semblant. Il craquait définitivement.

Les secondes semblèrent durer des heures, et Franklin garda le silence, se mordit la lèvre un peu plus fort, puis un peu plus, toujours, si bien qu’il put sentir le goût de son sang perler sur sa langue. Ses yeux écarquillés se braquèrent immédiatement sur le corps de Kaoru quand ses cris furent terminés, et un haut nouveau le coeur, dont il n’avait plus compté le nombre depuis leur entrée ici, le prit de la tête aux pieds jusqu’à ce qu’il puisse s’assurer qu’il était bien vivant. Son repère était revenu. Il sentit, quelque part, une attraction bestiale et dangereuse lui crier de se jeter sur lui. “Si tu ne m’aimes pas je t’aime”. Aimer en tant que Ghoul, c’était encore compliqué pour lui. Il n’attendit rien de plus.

Même si la lumière se ralluma, même si l’ascenseur gronda, son attention resta d’abord braquée, et il avança, allant vivement empoigner les vêtements que son menteur d’ami avait soigneusement quittés plus tôt, les serrant contre lui, croisant les bras au dessus d’eux comme s’ils pourraient lui échapper et s’enfuir loin.

Et maintenant qu’il se tenait plus près de Sid, il sentit quelque chose le pousser à le provoquer, encore, le défier toujours plus loin. Un instinct pervers, territorial et venimeux. « Beu-beu-beuh !  » lui cracha-t-il au visage, « Comme ça quoi ? Je me casse et tu continues de le dorloter ? » Un joli mot pour “bouffer”, que ce soit par le cul ou la gorge. L’ascenseur monta, dans un bruit difficile qui vint essayer de couvrir les tambours agressifs de son sang qui pulsait dans ses tempes. Le troisième acte de la pièce dans tout ce qu’elle avait de plus dramatique. « Tu recules. Quand la porte s’ouvre, mon gros, tu recules ! » C’était un ordre total, et malgré lui, il continuait d’employer les surnoms qui montraient bien que n’importe qui, pourvu qu’il ait fait partie de sa vie, y laissait une plaie bien plus importante que ce qu’il ne pourrait s’avouer.

Franklin avait eut le temps de le voir se jeter sur lui, sans même vraiment chercher à lui échapper. C’était inutile. Il avait juste à peine pu tourner la tête sur le côté, tentative ridicule de chercher à protéger son visage, quand même un peu. Et il était déjà par terre, écrasé par le poids de Sidney et par la violence de ses poings. Et même là, il ne trouva pas qu’il avait franchi une limite et qu’il l’avait bien cherché.

Les coups étaient assourdissants, il ne perçut pas tout de suite que sa peau se déchirait et échappait des filets de sang. Seuls quelques craquements de sa mâchoire et de son nez finirent par venir jusqu’au fond de ses tympans où la douleur sifflait. Il n’était pas solide, pas fort non plus, et il ne pouvait se défendre d’aucune manière. Ses mains fines étaient tout de même montées jusqu’au torse de Sidney, s'y agrippant quand il vint planter ses dents dans son épaule. Là seulement, il lâcha son premier geignement, qui vint racler dans sa gorge le sang qui y coulait, et pousser sur ses joues celui qui restait stocké entre ses dents.

Tout était rapide, et ce n’était définitivement pas le type de câlin qu’il préférait. Le goût et l’odeur de son propre sang finirent par lui donner une sensation étrange, sa tête lui tournait et il ne parvenait à poser son regard sur rien. Quand Sid le lâcha et lui laissa la place pour respirer, ça ne changea pas grand chose, sinon qu’il porta une main à son épaule et toussa encore plus fort, avant de balbutier un petit « Connard... » comme pour tout de même avoir le dernier mot. Au moins, maintenant le gros pouvait emmener Kaoru, hein ? Il geint encore, toujours hors de lui, mais quand même relativement calmé, restant un instant désorienté jusqu’à ce que de nouvelles mains viennent se poser sur lui : un infirmier.

Franklin n’écouta absolument pas ce que la personne lui dit et il essaya de se redresser, ramenant petit à petit son dos contre le mur de l'ascenseur, ses yeux passant brièvement sur le miroir, le laissant entrevoir ce que Sid avait réussit à faire de son visage en si peu de temps. Il se rendit aussi compte que la douleur avait eut raison de ses larmes, qui coulaient sur ses joues rouges. Aussi floue que pouvait être sa vision, il ne supportait pas de se voir comme ça. Tout lui semblait doucement tourner autour de lui. Son coeur semblait vouloir exploser. Il eut un instant l’impression de mourir avant de se dire que non, ça leur ferait trop plaisir.
Et même s’il aurait peut être voulu se venger, il ne ferait rien. Pas physiquement, déjà, c’était peine perdue, mais surtout, il n’en parlerait pas aux autorités et ne porterait jamais plainte. Il s’était déjà fait violenter de bien nombreuses manières et il avait déjà eut le plaisir de constater que sa parole ne valait rien du tout. Il finirait sans doute par garder sa haine pour lui et la transmettre à qui voudrait l’écouter râler.

Il essuya rapidement ses yeux avant qu’ils ne se posent sur la silhouette de Sid, et quand l’infirmier chercha tout de même à poser ses mains sur lui, il lâcha un grognement bizarre, comme un enfant qui ne savait plus parler. Il continua de regarder Sid, ses mains, ses bras, son visage, avant de regarder Kaoru quand quelqu’un d’autre le toucha pour le couvrir. Est ce qu’ils allaient l’emmener loin ? Il fallait qu’il les en empêche.

Il ne se rendit plus compte du temps qui passait, ni des mains qui touchaient son visage détruit. « Nous allons vous emmener aux urgences... » Franklin se remit à se mordre la lèvre sans trop capter que la voix s’adressait à lui. Surtout parce qu’il préférait passer son énergie à s’adresser à quelqu’un d’autre. « Grosse merde… Rentre chez toi tout seul... » Il était vraiment peu probable que Sidney l’entende, et encore plus que Franklin rentre, pour sa part, accompagné. A nouveau, il ne put plus le regarder, comme son regard était redevenu beaucoup trop flou à cause de ses larmes. « Je crois qu’il est sous le choc. » Sa tête cogna contre le mur alors qu’il faillit tourner de l’oeil.
L’infirmier proche de Sid finit par lui demander, un peu plus fermement « Vous les connaissez personnellement ? » tandis que toutes les décisions à prendre devaient se préciser sans plus tarder.